Chaque cellule de notre corps contient de l’ADN (acide désoxyribonucléique). L’ADN est le code génétique de notre corps, qui s’organise en deux longues hélices entrelacées et enroulées en une double spirale appelées « chromosome ».
Chaque cellule contient deux copies de chaque chromosome, une copie héritée de la mère et une du père. Chaque cellule a un total de 46 chromosomes comprenant une paire du chromosome sexuel qui détermine si vous êtes un homme ou une femme. Les filles héritent de deux chromosomes X, et les garçons d’un chromosome X et d’un chromosome Y.
Les gènes sont des segments de l’ADN sur un chromosome. Chaque gène se compose d’un ordre de quatre bases chimiques différentes (adénine A, thymine T, cytosine C et guanine G). L’ordre des « A,T,C,G » spécifique détermine quelle protéine la cellule construira. Les gènes servent à fabriquer des protéines nécessaires au fonctionnement des cellules et de l’organisme. Puisque vous avez deux copies de chaque chromosome, vous avez également deux copies de chaque gène. Les deux versions du même gène s’appellent les « allèles. » Parfois les deux allèles sont identiques, d’autres fois ils sont différents. Les changements de l’un ou des deux allèles peuvent parfois induire un mauvais fonctionnement du gène.
Parfois, des changements surviennent sur un gène qui arrête de fonctionner normalement. Ce changement est appelé mutation. Les mutations sont à l’origine des maladies génétiques. Elles peuvent :
Inactiver le gène qui induit une perte de la fonction normale de la protéine
Ou induire la formation d’une protéine anormale souvent toxique pour les cellules
Ou provoquer une diminution ou une augmentation de la production de la protéine normale
Les mutations génétiques peuvent être héritées de l’un ou l’autre des parents. Ces maladies qui arrivent à la suite d’une mutation d’un seul gène sont de plusieurs types :
Autosomique dominante : dans ce cas, la maladie la mutation d’une seule copie d’un gène suffit à entrainer la maladie (nous possédons deux copies de chaque gène, une venant de notre mère et l’autre de notre père, cf chapitre ADN, Chromosome et gène). Une personne atteinte de maladie autosomique dominante a un risque de transmettre la maladie à la génération suivante.
Autosomique récessive : dans ce cas, la maladie n’apparait que si les deux copies d’un gène sont modifiées. Les personnes qui ont un seul gène de modifier sont porteurs de la mutation mais ne sont pas malades. Pour une maladie rare, le risque pour la descendance est extrêmement faible. En effet, tous les individus dans la descendance d’un patient (porteur de deux allèles mutés) seront porteurs d’un seul allèle muté, ce qui ne suffit pas à développer la maladie (la probabilité pour un patient de se marier avec un autre individu également porteur d’un allèle muté est exceptionnelle dans le cas d’une affection rare).
Les formes familiales de DFT ne concernent que 20 à 30% des patients atteints de cette maladie. Ceci signifie que la grande majorité des patients atteints de DFT (70 à 80% des patients) n’ont pas une forme génétique de DFT. Les formes génétiques concernent surtout les formes comportementales de DFT (alors que les formes génétiques d’aphasie progressive non-fluente, de dégénérescence corticobasale et de paralysie supra-nucléaire progressive sont exceptionnelles).
Une forme familiale ou génétique de DFT peut être suspectée quand plus d’un membre de la famille est affecté, souvent dans deux générations ou plus. Dans le cas des formes familiales, les autres membres de la famille ont une chance accrue de développer une DFT, mais ce risque peut être difficile à évaluer et il est alors conseillé au patient et aux membres de sa famille de bénéficier d’une consultation génétique. Cette consultation permettra de déterminer précisément les antécédents familiaux d’un patient en dressant un arbre généalogique sur trois générations au moins et d’évaluer le risque des autres membres de la famille.
Dans les formes génétiques de DFT, les mutations sont généralement transmises de façon autosomique dominante. Pour le moment, les gènes responsables de DFT familiale ne sont pas encore tous identifiés. A l’heure actuelle, 5 gènes sont connus mais ils ne sont responsables que de 30% des formes génétiques de DFT. La majorité des gènes impliqués dans cette maladie reste donc à découvrir. Les 5 gènes identifiés sont :
1. Le gène PGRN, également appelé GRN, est localisé sur le chromosome 17. Il induit la production de la protéine progranuline. Les mutations du gène GRN réduisent la production de la progranuline et augmentent les agrégats neuronaux de TDP-43 et d’ubiquitine (on parle d‘inclusions TDP-43 positives et ubiquitine-positive’). La progranuline aide à la croissance de cellules, la protéine TDP-43 règle le processus de fabrication des protéines à partir de l’ADN (expression) tandis que l’ubiquitine aide la cellule à éliminer les déchets cellulaires. Des mutations de PGRN sont associées au DFT comportementale, aux aphasies progressives non fluentes (APNF). Les mutations de PGRN sont responsables de 5-10% de tous les cas des DFT et de 13-25% de cas familiaux.
2. Le gène MAPT (microtubule associated protein tau). Ce gène est également localisé sur le chromosome 17. Il est responsable de la synthèse d’une protéine, la protéine tau. Dans les cellules, la protéine tau est associée aux microtubules qui sont des structures formant le ‘squelette’ de la cellule. Les mutations du gène MAPT induisent la formation d’amas de protéines normales de Tau anormales (appelées ‘inclusions’) dans les cellules du cerveau, provoquant ainsi un fonctionnement anormal de ces cellules. Les modifications de la protéine Tau induites par les mutations, peuvent également diminuer son efficacité ou bien augmenter sa quantité, ce qui peut mener à la maladie. Plus de 50 mutations différentes sur le gène de tau ont ainsi été associées à des DFT héréditaires.
3. Le gène VCP sur le chromosome 9 qui code pour la protéine VCP (valosin-containing protein). Les mutations dans le gène VCP causent des inclusions neuronales d’ubiquitine, de protéine TDP-43 et de VCP. VCP est une protéine qui possède une multitude de fonctions, en particulier celle de « nettoyer » la cellule. Les mutations de VCP pourraient perturber la voie qui utilise l’ubiquitine pour nettoyer les cellules. Chez les patients atteints de mutation de ce gène, trois symptomatologies différentes sont retrouvées : une DFT, « une maladie de Paget de os » et une myopathie. Les patients peuvent soit présenter l’une ou l’autre de ces symptomatologies, soit en associer deux ou trois. Au sein d’une même famille avec mutation VCP, ces trois symptômes peuvent également être associés ou être présents isolément chez les membres atteints.
4. Le gène TARDBP sur le chromosome 1, à l’origine de la protéine TDP-43, est très rarement impliqué. Les mutations de TARDBP induisent la formation d’agrégats d‘ubiquitine et de TDP-43 dans les cellules du cerveau et le système nerveux. La protéine TDP-43 normale se retrouve seulement dans le noyau des cellules mais lorsqu’elle est modifiée à cause d’une mutation, on la retrouve en dehors du noyau. Des mutations de TARDBP ont été identifiées chez des individus avec une DFT associée à une sclérose latérale amyotrophique, qui est une maladie responsable d’une perte progressive de la force musculaire (DFT-SLA) (ou chez des patients avec une SLA familiale sans démence). Le dépistage génétique pour rechercher des mutations du gène TARDBP se fait uniquement dans un cadre de recherche.
5. Le gène CHMP2B sur le chromosome 3 exprime la protéine CHMP2B. Ce gène est encore plus rarement impliqué (quelques familles dans le monde). Le gène CHMP2B code une protéine qui réutilise ou détruit de vieux récepteurs sur la surface de cellules. On ne sait pas vraiment si la mutation de CHMP2B augmente ou diminue sa fonction, mais elle mène à des agrégats d’ubiquitine dans les cellules du cerveau. Des mutations de CHMP2B entrainent une DFT qui peut être associée à une sclérose latérale amyotrophique (DFT-SLA)
Les mutations des gènes PGRN et MAPT et sur le chromosome 17 sont les mutations génétiques les plus fréquentes. Le dépistage génétique clinique pour les gènes MAPT, PGRN et VCP est disponible. Il a été mis en route par le Centre de Référence des Démences Rares à l’UF de neurogénétique de l’hôpital de la Salpêtrière, Paris. Ces analyses doivent être prescrites par un médecin et doivent être accompagnées d’une explication claire au patient et à sa famille (dans le cadre d’une consultation avec le neurologue, ou d’une consultation de génétique) et signature d’un consentement informé par patient témoignant de son accord pour réaliser cette analyse.
En raison de la grande variabilité des formes de ces maladies, une analyse soigneuse de l’histoire de la famille est nécessaire pour établir si un patient est atteint d’une forme sporadique ou génétique de DFT. Même lorsqu’il semble y avoir une forme génétique de DFT dans une famille, le gène responsable peut ne pas être encore connu. La consultation génétique est appropriée dans ces cas-là, et s’il y a des doutes concernant les antécédents familiaux.